Cendrars et l'ennemi public n.1 du Brésil

27 mai 2024 à 19h

Conférence de Carlos Augusto Calil, en compagnie de Marie-Paule Berranger et de Michel Riaudel (Paris 3 Sorbonne Université). 

Attention, voici Febrônio !


En août 1927, un double crime odieux secoua la capitale fédérale. Les corps de deux jeunes mineurs avaient été découverts sur l’île de Ribeiro, à Jacarepaguá. Le père du plus jeune identifia sur les fichiers de police Febrônio Índio do Brasil comme étant le responsable. Febrônio, métis et homosexuel, avait publié un an plus tôt "Les Révélations du Prince du Feu", écrit depuis sa prison d’Ilha Grande. Il se proclamait prophète d’une secte qui adorait le « Dieu Vivant ou Aimant de la Vie ».

 

Les crimes qu’on lui reprochait étaient entourés d’une aura mystique mêlée à une sexualité frénétique. Déclaré « porteur d’une psychopathologie constitutionnelle caractérisée par des écarts éthiques prenant la forme de “folie morale” et de perversions instinctives », il fut incarcéré jusqu’à la fin de ses jours. Quatre écrivains, au moins, se sont intéressés au cas de Febrônio : Blaise Cendrars, qui lui consacra son texte Magia sexualis, Prudente de Morais, neto et Sérgio Buarque de Holanda, les éditeurs de la revue Estética, ainsi que Mário de Andrade.

 

Eis aqui, meu Santo Tabernaculo-vivente hoje dedicados a vós os encantos que legaste hontem a mim na Fortaleza do meu Fiel Diadema Excelso. C’est ici, ô mon Saint Tabernacle-Vivant que je vous dédie aujourd’hui les incantations dont vous m’avez enchanté hier, dans ma prison ô Diadème préexcellent de ma Foi !

Cette épigraphe est celle du livre de Febrônio – As Revelações do Príncipe do Fogo (Les Révélations du Prince de Feu) – publié à Rio de Janeiro en 1926 à compte d’auteur. Ce petit ouvrage de 68 pages réunit plusieurs invocations, sur le mode de la prière, qui s’ouvrent par « Eis-me » (« Me voici »), en majuscules, un Ecce homo écrit à la première personne. Cet extrait, qui suscita l’enthousiasme de Blaise Cendrars, a été repris dans le texte qu’il écrivit, Febrônio (Magia Sexualis).