Dans Reprises, l'artiste argentin Alejandro Erbetta a envisagé les tentatives de reconstitution de l’histoire de sa famille d’origine italienne, émigrée en Argentine à la fin du XIXe siècle. Ses arrière-grands-parents ont fait partie de ce grand déplacement de migrants italiens vers l’Amérique latine.

Un siècle après eux, il vivrait une expérience semblable, bien que son itinéraire fut inverse : depuis l’Argentine, il est parti vers la France. Mais comment reconstruire sa propre histoire quand il y a des silences, des éléments qui nous échappent ou de l’inconnu ? Comment remplacer ces détails qui manquent ? Peut-on reconstruire une histoire de manière fragmentée, dispersée, non linéaire ? Est-il possible de reconstruire le passé et la mémoire à travers la fiction ? Quelle serait alors sa légitimité ? S’approprier l’histoire familiale et l’histoire collective était pour Alejandro Erbetta une manière de recréer une histoire possible, afin de reconstruire par là sa propre identité. À travers des dates estimatives et des récits, il a résolu de suivre ses intuitions pour tisser un fil conducteur qui lui permettrait de réunir de l’information, puis d’écrire une histoire probable de sa famille. Retourner dans la région de ses arrière-grands-parents éveillait en lui une profonde et vive curiosité. C’était remonter un chemin dans le sens inverse, à travers l’espace-temps ; c’était un écho, une résonance cyclique de temporalités entrecroisées ; c’était affronter et déconstruire une histoire pour la construire à nouveau. Partir, s’éloigner de sa famille, rebrousser le chemin de la langue maternelle, traverser les frontières pour être accueilli dans un pays éloigné, avec une nouvelle culture et toutes les difficultés et ruptures que cela suppose, était une réalité que ses arrière-grands-parents avaient dû eux aussi affronter. En parcourant ces régions du nord de l’Italie, l'artiste a tenté d’aller à la rencontre d’une histoire individuelle et collective.