Philosophie

Séminaire Dialogues philosophiques

Valentine Le Borgne de Boisriou

14 mai 2019 à 19h

Citoyenneté et pratiques populaires du politique en Amérique latine. L’Argentine comme laboratoire d’un conflit bicentenaire dans la pensée foucaldienne : une analyse de la potentialité des droits dans l’arène politique actuelle.

Répondants : Gisèle Amaya Dal Bó (Université Paris 13) et Arthur Guichoux (Université Paris 7).

 

Interroger la notion de citoyenneté dans le contexte latino-américain, et en particulier en Argentine, est un exercice qui ouvre un éventail complexe de questions fondamentales. Ces questions ont la particularité de mettre en jeu les dynamiques de la question de la participation politique des citoyens sans se limiter à l’espace latino-américain puisque, par un effet de miroir, elles soulignent les failles de son exercice continental. Il est en effet singulier d’observer comment l’Europe et l’Amérique latine observent, de part et d’autre de l’Atlantique, des dynamiques symétriques de construction et de réinvention de la citoyenneté. Par dissymétrique, on entend plusieurs points temporels, spatiaux et problématiques. En effet, la fondation des Républiques latino-américaines se produit en regard des européennes, qu’elles érigent dès lors à la fois en modèle et en repoussoir. Ainsi, tandis qu’une partie des forces de gauche européennes regardent avec suspicion la difficile émergence des nouvelles républiques à la marge de l’Empire, et qu’une une autre voit dans ces terres nouvelles la possibilité d’exporter soit la République, soit les idées anarchistes, comme cela sera le cas pour nombre d’ouvriers émigrant à Buenos Aires autour de la fin du XXe siècle, en Argentine, la Constitution de 1853 prône, pour l’Argentine le modèle des républiques d’Europe du Nord, manifestant sa suspicion à l’égard des idées politiques des peuples d’Europe du sud, et appelle de ses vœux, pour forger la nation, un immigré qui répondrait à des critères précis : célibataire, artisan, moral. Ainsi, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, l’Argentine cherche à s’inventer selon un modèle précis, celui d’une certaine Europe, tandis qu’un siècle plus tard, le schéma semble s’être inversé, là où les démocraties européennes en quête de renouvellement se tournent toujours plus vers une Amérique latine jugée innovante et intempestive. 

Valentine Le Borgne de Boisriou est docteure en sciences sociales de l'Université de Buenos Aires et en sciences juridiques et politiques de l'Université Paris VII. Elle enseigne la théorie politique et sociale à la faculté de sciences sociales de l'Université de Buenos Aires et la philosophie contemporaine à l'Institut Supérieur de Formation Enseignante N°41, Adrogué, Buenos Aires. Elle est chercheure de l'Institut de Recherche Gino Germani, UBA, où elle dirige le programme de recherche " Le sujet politique en question. Sujétion et Émancipation dans la philosophie contemporaine". Ses travaux portent sur l'action politique considérée depuis la perspective des secteurs marginalisés des sociétés contemporaines, ainsi que la question de la subjectivation politique et ses développements dans la théorie politique contemporaine, en particulier dans l'œuvre de Jacques Rancière.

 

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Dans le cadre du Séminaire Dialogues philosophiques. Rencontres philosophiques entre chercheurs d’Amérique latine et d’Europe sous la direction de Patrice Vermeren.