Poésie

Jacques Coursil

Négritude, la grammaire de Caliban

14 janv 2020 à 19h

Dans le cadre du cycle Poétiques d'écrivains. Césaire, Fanon, Glissant, Frankétienne
 

Les deux poètes Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire, co-auteurs du mot négritude dans les années trente, sont tous deux grammairiens (cela est important) et amis sans faille : - Senghor m’a révélé une partie de moi-même - aimait à dire Césaire. Toutefois, cette négritude dont ils partagent la paternité les distingue et les oppose. Dans sa préface de l’Anthologie de la Poésie Nègre et Malgache de L. Senghor (Orphée Noir, 1948), Jean-Paul Sartre en fait le premier la remarque. Il écrit : « Étrange et décisif virage, la race (négritude de Senghor) s’est transmuée en historicité (négritude de Césaire) ».  Cette précision n’a pas suffi. Aujourd’hui après trois quarts de siècle, le mythe de la race, propre à la négritude de Senghor, a pratiquement recouvert le sujet historique de Césaire ; en d’autres termes, la race (l’essence) a refoulé l’histoire. À partir des années cinquante, et plus tard, paraissent des textes post-négritude retentissants produits par des écrivains tels que René Depestre, Frantz Fanon, Édouard Glissant, Maryse Condé, Wole Soyinka et quelques autres. C’est de leur critique dont il s’agit ici, car un dépassement de la négritude peut parfois n’être qu’une reprise in petto des traits césairiens occultés qui la fondent.

 

Jacques Coursil est Professeur émérite de l'Université des Antilles. Il a enseigné également à Cornell University, University of California Irvine, l'Université de Caen. Il est docteur ès Lettres et docteur ès Sciences. Jacques Coursil s'est vu décerner en 2017 le Prix Édouard Glissant pour l'ensemble de son œuvre. Il est l'auteur d’articles en critique littéraire, de La fonction muette du langage en 2000 (Ibis Rouge, Guadeloupe), Valeurs pures en 2015 (Lambert-Lucas, Limoges), Le Paradoxe francophone (en préparation).