Philosophie

Séminaire Dialogues philosophiques

Conférence de Ramiro Parodi

04 fevr 2020 à 19h

Rencontres philosophiques entre chercheurs d’Amérique latine et d’Europe

Conférence : La théorie de l'État de García Linera contre le coup d’État en la Bolivie.

Avec, en qualité de répondants, Guillaume Sibertin-Blanc (Paris 8) et Patrice Vermeren (Paris 8).

 

Álvaro García Linera (né à Cochabamba, Bolivie en 1962) est un des intellectuels les plus reconnus d’Amérique latine aujourd’hui. Après avoir été vice-président de l’État Plurinational de Bolivie, il acquiert une véritable notoriété à partir de la victoire du parti « Mouvement vers le Socialisme » (Movimimiento al Socialismo, MAS) en 2006. Après une période de formation au Mexique, il rédige ses premiers écrits vers la fin des années 1980 et au début des années 1990. À cette époque, il fait partie de l’« Armée de Guérrillera Tupak Katari » (Ejército Guerrillero Tupak Katari, EGTK) où il militait.

Ce mouvement politique dont le but est d’encourager l’unité entre la ville et les communautés aymaras de l’altiplano, s’inscrit au sein de « l’indianisme-katarisme » et se développe fortement au cours des années 1970. Entre 1992 et 1997, il est emprisonné à Chonchocoro, où il publie son livre Forma valor y forma comunidad: aproximación teórica-abstracta a los fundamentos civilizatorios que preceden al Ayllu universal. Il s’agit d’une relecture de Karl Marx (notamment du tome I du Capital) afin de penser les problèmes de la révolution, de la communauté et de la subsomption en Bolivie.

 

À sa sortie de la prison en 1997, il devient analyste politique dans les médias et enseigne en parallèle la sociologie, les sciences de la communication et les sciences politiques à l’Université Superior de San Andrés (UMSA) à La Paz. Il forme avec d’autres intellectuels-militants le « Groupe Commune » (Grupo Comuna), qui produit une interprétation de la reconfiguration des classes sociales en Bolivie, un discours critique au processus de néo-libéralisation dans le pays puis une critique de la démocratie représentative à partir de la crise de l’an 2000 (« Guerre de l’eau ») et celle du 2003 (« Guerre du Gaz »). En 2006, Evo Morales Ayma remporte les élections, avec comme vice-président García Linera. On considère García Linera comme l’un des auteurs de la nouvelle constitution de son pays (2009), et il développe en parallèle sa théorie de l’État qui trouve sa traduction dans l’État Plurinational de Bolivie.

 

Ses écrits s’intéressent aux concepts de nation, démocratie, État et révolution, depuis une perspective marxiste. A quel type de nation correspond un pays multinational ? La démocratie républicaine-représentative est-elle appropriée pour la Bolivie ? Quel est le rapport entre l’État et les communautés indigènes ? La révolution peut-elle avoir lieu dans un pays où le capitalisme s’est développé de manière incomplète ? García Linera cherche à répondre à ces questions au regard de l’histoire de la Bolivie. Sa thèse est que la présence de la communauté indigène-paysanne est centrale dans la plupart des résistances boliviennes et que de ce fait, l’effacement de ce sujet politique de l’histoire bolivienne n’est pas une coïncidence. Il suggère alors la nécessité de penser la nation, la démocratie, l’État et la révolution à partir du rôle joué par le mouvement indigène-paysan.

 

Le 10 novembre 2019 on est témoins d’un nouveau coup d’État en Bolivie. Le retour d’un discours raciste, la présence de l’armée et les violences déclenchées dans la rue invitent à repenser l’histoire bolivienne et sa démocratie. Les textes de García Linera expriment le caractère contradictoire des processus politiques, nous permettant ainsi de penser les faits actuels de la Bolivie.

 

Ramiro Parodi : Titulaire d'un diplôme en sciences de la communication (Université de Buenos Aires – Faculté de Sciences Sociales). Maîtrise en théories interdisciplinaires de la subjectivité (UBA – Faculté de Lettres et Philosophie). Professeur d´un cours sur théories et pratiques de la recherche en communication (UBA). Membre du Département des études politiques (Centro Cultural de la Cooperación). Chercheur del’Instituto de Investigaciones Gino Germani (IIGG-UBA). Auteur du livre Álvaro García Linera: Una Escritura Incompleta (UNGS, 2019).